L’exclusion d’un associé est une problématique sensible qui soulève des questions complexes à la croisée des intérêts collectifs de la société et des droits individuels des associés. Quels sont les principes, conditions et modalités qui permettent d’encadrer son recours ?

1. La notion d’exclusion

Le droit de demeurer associé est considéré comme un droit intangible, étroitement lié au droit de propriété sur les parts sociales ou actions.

L’exclusion d’un associé peut se définir comme une procédure permettant, sous conditions précises, de contraindre un associé à quitter une société, soit par la cession forcée de ses parts sociales, soit par la privation de ses droits au sein de cette structure. Cette mesure exceptionnelle est subordonnée à plusieurs principes fondamentaux.

Ce mécanisme intervient principalement pour protéger les intérêts de la société ou des autres associés, notamment lorsque l’associé concerné adopte un comportement préjudiciable pour la société ou incompatible avec la poursuite de l’objet social de celle-ci.

Pour garantir l’équilibre des intérêts, l’associé concerné doit bénéficier de toutes les garanties procédurales, notamment le respect des droits de la défense et du contradictoire.

2. Encadrement statutaire et contractuel

L’encadrement de l’exclusion d’un associé repose principalement sur des clauses spécifiques insérées dans les statuts de la société.

Les clauses statutaires d’exclusion, bien qu’aujourd’hui admises, restent soumises à des conditions strictes. Les causes d’exclusion doivent être précisément définies et conformes à l’intérêt social.

Un comportement déloyal de la part d’un associé ou une atteinte grave à l’intérêt de la société peuvent légitimement justifier son éviction. La notion de « justes motifs » a été reprise par la jurisprudence notamment en matière de sociétés à capital variable (« jp »). Il est toutefois recommandé, dès la constitution de la société de prévoir les motifs d’une exclusion.

De plus, la procédure d’exclusion doit être encadrée pour respecter les droits de la défense de l’associé visé. Les statuts doivent également prévoir les modalités précises de fixation du prix des parts ou actions, en s’appuyant éventuellement sur une expertise indépendante.

En parallèle, les pactes d’associés peuvent inclure des clauses extra-statutaires, souvent désignées comme des “promesses de cession forcée”. Ces clauses, plus souples que les clauses statutaires, offrent une flexibilité contractuelle, notamment dans les relations entre associés dirigeants. Elles peuvent prévoir des événements déclencheurs spécifiques, tels que la cessation de fonctions ou le non-respect d’un engagement stratégique, qui entraînent l’obligation pour un associé de céder ses titres.

Toutefois, le pacte ne peut entrer en contradiction avec les statuts.

3. La cession forcée

Le mécanisme de l’exclusion repose souvent sur la cession forcée des actions ou parts sociales de l’associé concerné. Cette cession, bien qu’imposée, repose sur des règles strictes garantissant la légitimité.

3.1. Prix de cession équitable

L’associé exclu ne peut être contraint de céder ses actions à un prix dérisoire. Un expert indépendant peut être désigné pour évaluer les titres, comme prévu par l’article 1843-4 du Code civil.

3.2. Conséquences financières

L’associé exclu doit pouvoir exercer ses droits financiers, notamment :

• Le paiement intégral et juste du prix des titres ;

• Le règlement des dividendes auxquels il aurait droit jusqu’à la cession définitive.

Ajuster avec les clauses de Good/middle/bad leaver

3.3. Précautions à respecter

Toute procédure de cession forcée doit respecter :

  • Une rédaction minutieuse des statuts notamment dès la constitution de la société
  • Les droits de la défense de l’associé ;
  • Une convocation régulière des organes compétents pour valider la décision (assemblée générale ou conseil de surveillance, selon la forme sociale).

(Cass. com., 18 déc. 2024, n° 23-14.518) :

Dans cette décision, le juge apporte des précisions en matière de cession forcée lorsqu’un notaire atteint l’âge limite fixé par la loi. Ce dernier sera légalement obligé de céder ses parts sociales dans la société civile professionnelle (SCP) ;

Les associés doivent s’efforcer de fixer d’un commun accord le prix de cession des parts. En l’absence de conciliation, la loi prévoit la désignation d’un expert indépendant, nommé par le tribunal, à qui il revient d’évaluer la valeur réelle des parts et de fixer un prix équitable.

4. L’exclusion statutaire et apports de la jurisprudence récente

4.1. Exclusion prévue statutairement

La jurisprudence reconnaît la validité des clauses statutaires d’exclusion, sous réserve qu’elles respectent l’ordre public et les droits fondamentaux de l’associé.

4.2. Jurisprudence de 2024 : privation de droit de vote

Dans un arrêt important du 29 mai 2024 (Cass. com., 22-13.158, FS-B), la Cour de cassation a tranché la question de prévoir, statutairement, une privation temporaire du droit de vote de l’associé visé par une procédure d’exclusion, notamment en matière de privation du droit de vote lors de la décision d’exclusion. Cette décision présente toutefois une particularité en ce qu’elle ne reconnait pas comme “non écrite” l’intégralité de la clause. En effet, seules les stipulations privant l’associé de son droit de voter sont concernées.

Il résulte de la combinaison des articles 1844 et 1844-10 du Code civil et l’article L. 227-16 du code de commerce que : « si les statuts d’une société par actions simplifiée peuvent prévoir l’exclusion d’un associé par une décision collective des associés, toute stipulation de la clause d’exclusion ayant pour objet ou pour effet de priver l’associé dont l’exclusion est proposée de son droit de voter sur cette proposition est réputée non écrite ».

4.3. Droits de la défense

Dans l’arrêt Cass. com., 23 oct. 2007, n° 06-16.537, il a été rappelé qu’une procédure d’exclusion violant les droits de l’associé est nulle. Cela implique :

• Une information claire sur les motifs d’exclusion ;

• La possibilité pour l’associé de présenter ses observations ;

• Une décision prise dans des conditions impartiales.

Conclusion : Les Précautions à Respecter

La mise en œuvre de l’exclusion d’un associé nécessite une anticipation statutaire et une formalisation rigoureuse pour garantir sa validité, l’exclusion demeure une procédure d’exception :

• Prévoir les causes d’exclusion dans les statuts ;

• Encadrer les modalités (majorité requise, prix de cession, droits financiers) ;

• Respecter scrupuleusement les droits fondamentaux de l’associé exclu.

Prérogative contractuelle = statutaire (norme attributive du pouvoir d’exclusion)

En ce sens, un acte extrastatutaire tel que le pacte ne peut servir de fondement à ce pouvoir et ne peut pallier le silence des statuts qui prévalent.

a.         Qui doit identifier les personnes contraintes (les sujets du pouvoir)

b.         Et les motifs de l’exclusion

Motif légitime (ou juste motif) : attention à ne pas confondre l’intérêt légitime de la société et la volonté unanime des associés.

La suspension des droits politiques de l’associé jusqu’à la cession de ses titres est un effet statutaire et non pas un effet de la décision des associés.

Recommended Posts