Par un arrêt du 11 janvier 2023, les juges de la Cour de cassation se sont prononcés[1] sur la validité d’un bon de commande qui ne détaille pas le prix unitaire de chaque bien et service composant ledit bon de commande – en l’espèce, pour la pose de panneaux photovoltaïques[2].

 

C’est sur la base des articles L. 221-9, L.221-5 et L. 111-1, 2°[3] du Code de la consommation que le consommateur à l’origine de l’affaire considérait que le fait de ne pas préciser les prix unitaires de chaque élément du bon de commande n’était pas conforme à l’obligation générale d’information précontractuelle. Par conséquent, le contrat aurait dû être frappé de nullité : c’est ce que la Cour d’appel de Douai a retenu[4].

 

Néanmoins, les juges de la Cour de cassation cassent l’arrêt de la Cour d’appel, au visa du seul article L. 111-1, 2° du Code de la consommation. En prononçant la nullité du contrat sur la base d’un manquement à l’obligation précontractuelle d’information, les juges du fond violent le texte en ajoutant à la loi une condition qu’elle ne comporte pas. Et ce, même dans le cadre d’un cadre passé hors établissement – d’un démarchage à domicile.

 

En effet, l’article suscité dans sa rédaction applicable au jour de la conclusion du contrat – et inchangée au jour de la rédaction du présent article -, impose seulement l’indication du « prix du bien ou du service ». Sans précision sur l’indication du prix unitaire, cette mention du prix peut s’entendre comme un prix global ; et ce, sans que l’absence de détail des éléments composant le contrat ne soit per se une atteinte à l’information du consommateur, lequel reste informé du montant total à payer.

 

Cette solution se fonde sur le principe juridique selon lequel « il est interdit de distinguer là où la loi ne distingue pas » (Ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus). Ainsi, les professionnels ne peuvent en principe pas être astreints à une obligation supplémentaire qui ne figure pas dans les textes.

 

Certains contrats font néanmoins exception ; c’est le cas des prix des prestations de dépannage, de réparation et d’entretien dans le secteur du bâtiment et de l’équipement de la maison[5]. Mais c’est aussi le cas lorsqu’un consommateur achète différents biens et services distincts n’ayant aucun lien entre eux et n’entrant pas dans une opération globale. C’est le cas d’achats en magasin[6], sur un site e-commerce ou une place de marché[7], : le professionnel ou l’intermédiaire doit indiquer le prix TTC de chaque bien et service, même lorsque plusieurs unités de chaque bien et service sont achetées en même temps.

 

De nombreux articles et quelques réglementations françaises et européennes, dispersés dans plusieurs textes et Codes, viennent affiner les obligations d’information sur les prix selon les situations, la qualification des parties, et les conditions de conclusion du contrat[8].

 

Le constat est le suivant : autant dans la réglementation française qu’européenne, il n’existe pas d’obligation explicite pour les professionnels de décomposer les prix respectifs des différents éléments composant un contrat. La seule exigence est en principe celle d’indiquer le prix total du contrat.

 

Néanmoins, et bien qu’il n’y ait pas d’obligation légale sur la précision des prix unitaires, ce que la Cour de cassation confirme[9], les professionnels ne sont pas à l’abri d’un revirement de jurisprudence basé sur l’exigence d’information précontractuelle claire et non ambiguë, voire d’une évolution législative.

 

En effet, l’absence de précision du prix unitaire de chaque élément d’un contrat peut poser des problèmes dans différentes situations :

 

       En cas de vice caché ou de manquement à la garantie légale de conformité : quid du remboursement si le prix n’est pas connu ;

       Pour la comparaison des prix et services similaires : enjeux de concurrence et de prix gonflés ;

       Et pour de simples raisons de transparence des prix vis-à-vis des consommateurs.

 

À une époque où le coût de la vie augmente, il apparaît que la précision des coûts individuels de chaque élément d’un contrat puisse être perçue comme un gage de transparence, et d’honnêteté, vecteur de fidélité des consommateurs.  

 

Pour éviter un tel risque, il peut donc être judicieux que les professionnels détaillent le prix unitaire de chaque bien et service dans leurs bons de commande.

 

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[1] Cour de cassation, 1re chambre civile, 11 janvier 2023 – n° 21-14.032 : https://www.courdecassation.fr/decision/63be612013ef607c90ab6142

[2] Plus précisément, deux contrats de fourniture et d’installation de panneaux photovoltaïques, financés par deux crédits souscrits par les acquéreurs, auprès de deux banques. L’opération juridique étant un ensemble contractuel (article 1186 du Code civil)

[3] Dans leurs versions applicables à la date de signature du bon de commande contesté, dont les dispositions présentement pertinentes sont inchangées au jour de la publication du présent article

[4] Cour d’appel de Douai, ch. 1, sec. 1, 4 mars 2021

[5] Arrêté du 24 janvier 2017 : le décompte détaillé, en quantité et en prix, de chaque prestation, en particulier le taux horaire de main d’œuvre et le temps estimé ou, le cas échéant, le montant forfaitaire de chaque prestation ; la dénomination des produits et matériels nécessaires à l’opération prévue et leur prix unitaire ainsi que, le cas échéant la désignation de l’unité à laquelle il s’applique et la quantité prévue ;

[6] Surtout sur la base de l’arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l’information du consommateur sur les prix

[7] Article 1127-2 du Code civil : « Le contrat n’est valablement conclu que si le destinataire de l’offre a eu la possibilité de vérifier le détail de sa commande et son prix total et de corriger d’éventuelles erreurs avant de confirmer celle-ci pour exprimer son acceptation définitive. […] »

[8] Not. La réglementation des contrats conclus par voie électronique (articles 1125 à 1127-4 du Code civil) et la réglementation des contrats conclus à distance et hors établissement (Articles L221-1 à L221-29 du Code de la consommation), l’arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l’information du consommateur sur les prix, la directive e-commerce 2000/31/CE, la directive 98/6 relative à la protection des consommateurs en matière d’indication des prix des produits offerts aux consommateurs 

[9] Cour de cassation, 1re chambre civile, 2 juin 2021 – n° 19-22.607 : Selon l’article L. 121-23 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, les opérations de démarchage à domicile doivent faire l’objet d’un contrat qui doit mentionner notamment, à peine de nullité, la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés et le prix global à payer et les modalités de paiement.

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